Article original datant du 25/08/20
Si vous passez un peu de temps à examiner des études cliniques ou à évaluer de la « littérature scientifique », vous verrez le terme « risque relatif » utilisé à tort et à travers. Vous verrez aussi régulièrement des termes comme Odds Ratio (Rapport de cotes) et Hazard Ratio (Rapport de risque).
Mais vous savez ce que vous ne verrez pas si souvent ?
Le héros méconnu de l’évaluation de la littérature scientifique : La réduction du risque absolu (Absolute Risk Reduction – ARR).
Il est en fait assez rare (surtout dans mon monde de l’oncologie) de voir la réduction du risque absolu indiquée dans une étude. Vous constaterez que vous devez la calculer vous-même. Mais si elle est si importante, pourquoi devez-vous la calculer manuellement pour la plupart des études ? Pourquoi n’est-elle pas mentionnée dans les résultats ?
En termes simples, le risque absolu est moins sexy que le risque relatif. Il ne fait pas de bons titres dans la presse. Si le risque absolu est le Jan Brady du monde de la recherche (cf. « The Brady Bunch », vieille série télévisée américaine), le risque relatif est sa Marcia. Dans le monde des communiqués de presse, le risque relatif est le cousin plus jeune et plus séduisant du risque absolu.
Heureusement, vos compétences en matière d’évaluation de la littérature scientifique ne doivent pas être entravées par un manque de rapports. Aujourd’hui, je vais vous donner le meilleur outil pour séparer le bon grain clinique de l’ivraie. Je vais vous apprendre la formule de réduction du risque absolu et vous montrer comment la calculer.
En termes simples, la réduction du risque absolu est le seul moyen d’identifier le contexte réel d’un élément rapporté dans un essai clinique. Il s’agit généralement d’un chiffre beaucoup plus petit que la réduction du risque relatif (RRR), mais il vous aide à évaluer l’impact réel d’un résultat d’étude.
Et même si vous ne vous souciez pas de tout cela, je peux vous assurer que vous devrez être en mesure de calculer la réduction du risque absolu pour le NAPLEX (Licence d’exercer des pharmaciens américains, NdT) et tout examen du BPS (Board of Pharmacy Specialties) que vous pourriez avoir à passer à l’avenir.
Alors, allons-y…
Qu’est-ce que la réduction du risque absolu ?
Permettez-moi de vous présenter notre sympathique mascotte pour la leçon d’aujourd’hui, le Pirate ARR :
Regardez-le. Si vigilant. Prêt à tout moment à vous présenter le bout de son poing. Pensez à ce petit bonhomme chaque fois que vous lisez une nouvelle étude ou un nouvel article de journal. Laissez-le être votre conscience et votre guide.
Risque absolu et risque relatif
Il est temps d’utiliser un peu de vocabulaire. Le risque absolu est le risque total qu’une « chose » donnée se produise une fois que tous les facteurs de risque et les variables confusionnelles ont été additionnés. Par exemple, vous pouvez calculer votre risque à vie de souffrir d’un événement athérosclérotique en fonction de l’incidence et de la prévalence de votre groupe démographique.
Le risque relatif est différent. Il s’agit du risque d’une « chose » donnée en comparaison (c’est-à-dire relativement) à une autre chose. Par exemple, le risque de développer une TVP (Thrombose veineuse profonde) si vous êtes fumeur par rapport à celui de ne pas fumer.
Lorsque nous parlons de réduction du risque relatif (RRR) et de réduction du risque absolu (ARR), nous parlons d’une intervention. Nous réduisons le risque absolu et relatif en administrant un traitement. La réduction absolue du risque est la réduction totale du risque qui résulte du choix d’un traitement donné. Ce chiffre est souvent très différent de la réduction du risque relatif.
Avec le RRR, la réduction du risque est comparée à un autre groupe. Vous pourriez comparer l’efficacité d’Entresto pour réduire la mortalité due à l’insuffisance cardiaque à un traitement existant comme l’énalapril. Ou vous pourriez comparer Paxil CR à l’absence d’intervention (placebo) pour réduire les symptômes de la dépression.
Super. Alors qu’est-ce que tout cela signifie pour vous en tant que clinicien ?
On peut s’amuser beaucoup avec un risque relatif…
Par exemple, disons que j’ai peur de l’avion (pas à cause du COVID, j’ai simplement peur de mourir dans un accident d’avion). Pour atténuer cette peur, je pourrais choisir de ne plus prendre l’avion. En agissant ainsi, mon risque relatif de mourir dans un accident d’avion en feu tomberait presque à zéro. Nous comparerions le risque relatif de ce qui suit :
- Moi mourant dans un accident d’avion, en supposant que je voyage en avion.
- Moi mourant dans un accident d’avion, en supposant que je ne voyage pas en avion.
En choisissant de NE PAS prendre l’avion, mon risque relatif de mourir dans un accident d’avion serait peut-être d’environ 99,999 % (parce qu’un avion en feu pourrait s’écraser sur moi pendant que je fais du jardinage ou autre). C’est une réduction ÉNORME, et un chiffre très intéressant. Ne voudriez-vous pas réduire de 99,99 % votre risque de mourir dans un accident d’avion ?
Mais vous devez vous demander… quel est le risque de base de mourir dans un accident d’avion (MÊME si vous volez vraiment en avion) ? Nous avons accès à ces données, et votre risque absolu est de 0,000009%. Une réduction de 99,999 % par rapport à 1 sur 11 millions n’est pas aussi digne de faire les gros titres, n’est-ce pas ? Pouvez-vous imaginer une publicité pour cela lorsque vous faites défiler votre flux Instagram ?
« L’homme utilise ce TRUC SIMPLE pour réduire son risque de mourir dans un accident d’avion de 0,000009 % ».
Pas très excitant. Beaucoup moins sexy que 99,99%.
Poursuivons avec le médicament Entresto contre l’insuffisance cardiaque. Vous disposez d’une étude qui montre une réduction de 19,4 % du risque relatif de décès cardiovasculaire chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque utilisant Entresto par rapport à l’énalapril. Si vous pratiquiez il y a quelques années, lorsque ce médicament est apparu sur le marché, vous avez probablement vu des articles de presse affirmant audacieusement qu’Entresto réduit votre risque de décès de 20 % (parce que les chiffres sont arrondis). Si vous deviez examiner ces études et calculer la réduction du risque absolu, vous constateriez qu’elle est de 3,2 %.
Une réduction de 3,2 % de la mortalité pour une maladie aussi courante que l’insuffisance cardiaque n’est pas à dédaigner (cette étude a en fait été interrompue prématurément en raison du bénéfice observé dans le groupe Entresto). Mais vous n’avez probablement pas besoin que je vous dise que 3,2% est bien moins que 20%.
Et c’est ce que nous faisons avec le risque absolu ici. Cela vous aide à donner une perspective à l’équation.
Comment calculer la réduction du risque absolu
La Réduction du Risque Relatif n’est pas un mauvais garçon. Il est juste mal compris. En fin de compte, la RRR et la RAR ne sont que des moyens différents de mesurer la taille d’une intervention. Ils sont un moyen de vous aider à déterminer l’utilité clinique d’un médicament. Ils peuvent tous deux vous aider à décider si le nouveau traitement X sera bénéfique à votre patient.
Mais il y a une raison pour laquelle j’écris cet article. Comme je l’ai dit plus haut, vous devez généralement calculer la réduction du risque absolu, car elle n’est pas indiquée pour vous. Le risque relatif est plus sexy, mais il ne se traduit pas toujours par un bénéfice clinique phénoménal. De plus, dans le monde de la médecine, sexy tend également à signifier « extrêmement coûteux ». La réduction absolue du risque est absolument nécessaire si vous voulez faire une quelconque analyse coûts-avantages.
Alors, qu’est-ce que la formule de réduction du risque absolu ?
Revenons à notre étude sur l’Entresto. Et concentrons-nous sur la partie concernant le taux de mortalité cardiovasculaire. Vous verrez que dans le groupe témoin (énalapril), 16,5 % des patients sont morts de causes cardiovasculaires. Dans le groupe expérimental (Entresto), 13,3 % sont morts de causes cardiovasculaires.
La réduction absolue du risque est le taux d’événements de contrôle (Control Event Rate – CER) moins le taux d’événements expérimentaux (Experimental Event Rate – EER).
CER – EER = ARR
0.165 – 0.133 = 0.032
Ou, comme nous l’avons mentionné plus haut, 3,2 %. Si vous effectuez cette opération à partir d’une étude (ou d’une question de test) qui ne vous donne pas les pourcentages, vous devrez les calculer manuellement à partir de l’étude. Ainsi, si 800 patients dans un groupe témoin de 1000 personnes ont eu un événement, votre CER est de 80 % (ou 0,80).
La formule de réduction du risque relatif est également assez simple :
(CER – EER) / CER = RRR
(0.165 – 0.133) / 0.165 = 0.1939
Ou (comme nous l’avons également mentionné ci-dessus), 19,4%.
Vous remarquerez que nous convertissons les pourcentages dans leur forme décimale pour effectuer ces calculs. Il s’agit d’une bonne pratique qui vous évitera de faire des erreurs de décimales. Il est également nécessaire de travailler sous forme décimale afin de calculer le nombre nécessaire à traiter (Number Needed to Treat – NNT).
Aucune discussion sur la réduction du risque absolu n’est complète sans mentionner le nombre nécessaire à traiter. Le NNT n’est qu’une autre façon d’exprimer l’ARR. Le nombre nécessaire à traiter est le nombre de patients qu’il faut traiter pour prévenir un « événement ». Dans ce cas, un événement serait un décès cardiovasculaire dû à une insuffisance cardiaque.
Le NNT est l’inverse de l’ARR.
1 / ARR = NNT
En utilisant nos chiffres de l’Entresto…
1 / 0.032 = 31.25
Le NNT serait de 32 dans ce cas. Pourquoi 32 ? Parce que le nombre nécessaire à traiter est toujours un nombre entier. Vous ne pouvez pas traiter 0,25 d’une personne. Ainsi, chaque fois que votre nombre nécessaire à traiter se termine par un point décimal, arrondissez au nombre entier supérieur.
Pour appliquer ce principe en « termes réels », il faudrait donner de l’Entresto à 32 patients pour éviter un décès d’origine cardiovasculaire.
Comment utiliser la réduction du risque absolu pour prendre des décisions cliniques
Vous devez utiliser l’ARR, le NNT et même le RRR pour déterminer si une intervention en vaut la peine pour votre patient. Comme vous l’avez vu ici, vous pouvez très facilement calculer ARR et NNT. Vous utiliserez ces informations en plus des critères que vous utilisez déjà dans votre évaluation. Lorsque vous évaluez les options de traitement pour vos patients, calculez l’ARR pour plusieurs choix différents. Regardez ce que le médicament va coûter au patient. Examinez le schéma posologique et déterminez si l’adhésion au traitement posera problème. Examinez les interactions médicamenteuses et toute autre information pertinente pour chaque médicament d’une classe.
Vous pouvez ensuite transmettre ces informations au patient et à l’équipe médicale et faire un choix concerté qui soit le meilleur pour le patient. Lorsque tout le monde est impliqué (en particulier le patient), tout le monde est gagnant.
Et encore, vous aurez besoin de toutes ces informations pour vos examens du NAPLEX et du BPS. Donc, si devenir un excellent clinicien n’est pas une motivation suffisante pour vous, alors laissez la nécessité guider votre décision de vous familiariser le plus possible avec ces informations.
En conclusion. Quand vous êtes dans le doute. Pensez simplement à ce que le Pirate d’ARR (et son regard critique) ferait.