Le Discernement
Pour commencer :
« Une fourmi croise le rail d’un chemin de fer sur sa route. S’arrête 1 minute et dit:
– L’intelligence n’est pas d’escalader la montagne mais de la contourner ! »
Fin de l’histoire
Même, si la réflexion de la fourmi est juste, dans ce contexte précis elle a cruellement manqué de discernement et se condamne à une tâche sans fin. Suivre les préceptes sans pensée critique, sans contexte peut nous emmener à l’opposé du but poursuivi.
Descartes affirmait qu’« il n’y a pas d’autres voies qui s’offrent aux hommes, pour arriver à une connaissance certaine de la vérité, que l’intuition évidente et la déduction nécessaire » (XIIe règle).
Dans le contexte de l’apparition de la science moderne (Galilée), cette proposition pouvait sembler de bon sens. Pourtant, nos conceptions du monde ayant évolué depuis le XVIIe siècle, cette affirmation de Descartes peut ne pas s’appliquer dans tous les contextes. En particulier, toute intuition est-elle évidente pour d’autres personnes que celui qui la ressent en fonction de ses propres expériences et perceptions, qui sont nécessairement subjectives ?
Toute intuition doit donc être vérifiée à partir de plusieurs sources. Le discernement doit donc faire appel à différents modes de raisonnement. Il est d’autant plus précis qu’il est partagé, et débattu.
Le discernement doit faire appel à de nombreux éléments :
- La signification des signes et symboles, liés aux personnes, aux objets, aux événements (voir sémiotique et sémiologie)
- La sémantique : précision dans la reconnaissance de l’étymologie des mots par exemple, des différents sens
- La linguistique
- Ces enchaînements d’événements dans l’Histoire
- La culture
- L’identification de l’intention des personnes dans leurs actes (causes finales)
- Les prises de conscience
En Spiritualité
Le discernement est une qualité fondamentale dans la spiritualité ignacienne : ici, le mot signifie l’aptitude à reconnaître l’action de Dieu dans la vie de tous les jours. En effet, Ignace de Loyola, fondateur des jésuites professait que toute décision humaine est le lieu d’une rencontre avec Dieu.
Gare aux sophismes !!!
1. Argument, raisonnement qui, partant de prémisses vraies, ou considérées comme telles, et obéissant aux règles de la logique, aboutit à une conclusion inadmissible.
2. Argument, raisonnement ayant l’apparence de la validité, de la vérité, mais en réalité faux et non concluant, avancé généralement avec mauvaise foi, pour tromper ou faire illusion.
Nous n’allons pas faire la liste non-exhaustive de toutes les formes de sophisme ici. Je voudrais souligner surtout l’importance de ce concept aujourd’hui. Nous sommes dans une guerre d’informations et ceci est une arme redoutable dans cette guerre!
Voici certains sophismes reprochés aux « complotistes » :
Mille-feuille argumentatif : couramment utilisé pour légitimer les théories du complot, il s’agit d’enchaîner un grand nombre d’arguments, même de faible valeur individuellement, mais qui donnent ensemble une impression de solidité et de massivité de la thèse soutenue. « Et les crop circles ? Et les nombreux témoignages ? Et les statues d’astronefs précolombiennes ? Et la perfection des pyramides ? Vraiment, les extraterrestres nous rendent visite depuis longtemps. »
- Rupture de la corrélation :
- Concentration de l’argumentaire sur une partie des arguments motivant la prise de position.
- Refus de la corrélation (une corrélation n’implique pas nécessairement une causalité) : ainsi, les ventes de dentifrice sont corrélées aux ventes de préservatifs ; celles de Coca-Cola à celles de lunettes de soleil ; les ventes de whisky en Écosse y sont corrélées au revenu des pasteurs, et cela ne signifie pas que les pasteurs boivent le produit des quêtes. Cela indique simplement que quand leurs ventes sont bonnes, les Écossais ont les moyens de donner un peu plus à leurs pasteurs.
- Suppression de la corrélation.
- Ignoratio elenchi (aussi appelé « conclusion excessive »)
- Le postulat indémontrable ou argument irréfutable : il s’agit d’un procédé visant à rejeter toute possibilité de réfutation. Par exemple, des personnes adhérant à une théorie du complot vont rejeter toute preuve réfutant cette théorie en imputant à ces preuves le fait d’être avancée par des personnes soutenant une théorie officielle. Autre exemple, lorsque dans un couple, l’un des deux partenaires est persuadé que l’autre le trompe, va systématiquement rejeter toute preuve du contraire, invoquant un prétexte à chaque tentative. La subtilité repose donc sur le principe que la personne utilisant ce type d’argument refuse de reconnaître avoir tort.
- La raison de la Nature ou génétique (qui confond volontairement la cause ou l’origine d’une chose pour l’essence ou la chose elle-même)
- « L’amour, parce qu’il découle de l’instinct sexuel, n’est autre que le désir de copuler. »
- Négation de la preuve.
- Les rapprochements excessifs.
- La combinaison de faits sans liens directs (amalgame).
- Renversement de la causalité.
Évidemment, l’utilisation des sophismes ne pas l’apanage exclusif d’un tel ou tel groupe de personnes, il est généralisé et utilisé consciemment et inconsciemment par quasiment tout le monde. Gardant cela à l’esprit, il faut savoir faire preuve de discernement afin de défendre le « vrai », le « juste » et le « bon ».
Afin de peaufiner votre votre maîtrise de la dialectique et de la rhétorique, n’hésitez point à vous tourner vers Arthur Schopenhauer et L’art d’avoir toujours raison. Derrière l’apparence cynique du propos, ce petit bouquin nous apprend le fonctionnement du débat et des armes employés lors de ce dernier.
Tout ceci vous sera très utile dans vos échanges. Mais le plus important est de savoir quand, ou et comment s’engage-t-on dans une discussion ou un débat. Là est le discernement