Article original datant du 25/02/21
Au total, sept personnes sont mortes dans l’émeute du Capitole américain le 6 janvier, mais seule la mort d’Ashli Babbitt a été directement causée par la violence ce jour-là. C’est une émeutière tuée par un officier de la police du Capitole, qui a tiré le seul coup de feu tiré durant le siège qui a duré un quart d’heure. Pourtant, l’histoire de qui il est et pourquoi il a ouvert le feu reste enveloppé de mystère.
Plus de six semaines après que Babbitt ait succombé à une blessure par balle dans la partie supérieure de la poitrine, les autorités gardent secrète l’identité de l’officier qui a tiré la balle fatale. Elles ne publieront pas son nom, et les médias mainstream ne le réclament pas, ce qui contraste fortement avec les autres fusillades de policiers très médiatisées qui ont touché des civils non armés.
Le secret a alimenté les rapports sur Internet qui ont identifié à tort le tireur comme un agent spécial de la police du Capitole, précédemment salué pour sa bravoure par le président Trump. Les fausses rumeurs ont déclenché des menaces contre l’agent.
En s’appuyant sur des entretiens avec des sources informées et des documents disponibles, RealClearInvestigations (RCI) a dressé un portrait du tireur réel et de la fusillade, que certains décrivent comme totalement justifiée et d’autres comme un meurtre.
L’officier qui a ouvert le feu sur Babbitt a le grade de lieutenant et est un vétéran de longue date des forces de l’ordre qui a travaillé en protection rapprochée dans le Speaker’s lobby, une zone à accès très restreint derrière la salle de la Chambre des Représentants, selon certaines sources. Afro-Américain, il a été mis en congé administratif avec salaire en attendant les résultats d’une enquête interne menée par la police métropolitaine du district de Columbia, qui partage la juridiction avec la police du Capitole. Le ministère de la justice est également impliqué dans l’enquête.
Le Wall Street Journal a rapporté au début du mois que l’officier a été interrogé et innocenté de tout acte criminel par une enquête préliminaire, ce qui laisse penser que les morts causées par la police pourraient bientôt être considérées comme homicides justifiables. Mais la porte-parole de la police de D.C., Alaina Gertz, a déclaré à RCI : « Cette affaire reste sous enquête active ».
Les sources bien placées ont dit à RCI que l’officier en civil s’est caché par crainte pour sa sécurité. Ils ont dit qu’il s’inquiète des informations selon lesquelles certaines des personnes arrêtées lors des émeutes ont déclaré la « saison de chasse » ouverte à celui qui a tué Babbitt, devenue une martyre de leur cause. Des comptes Twitter ont été créés à son nom, dont « We Are Ashli Babbitt » et « Justice For Ashli Babbitt ». « Un patriote américain non armé a été assassiné de sang froid ! Nous devons savoir qui a assassiné #AshliBabbitt ! » a proclamé un récent post.
Entre-temps, de nombreux législateurs des deux parties ont salué le lieutenant comme un héros qui a sauvé des vies ce jour-là.
La plupart des circonstances qui ont conduit à ses actions ne sont toujours pas claires. Mais des séquences vidéo filmées par des émeutiers montrent le lieutenant, après avoir pris une position défensive dans le passage d’une porte, visant et tirant soigneusement sur Babbitt alors qu’elle tente de passer par une fenêtre brisée à côté d’une double porte barricadée menant au Speaker’s lobby, au milieu d’une foule de manifestants pro-Trump. Babbitt, 35 ans, n’avait pas d’arme. Elle est morte plus tard dans un hôpital. Vétéran décoré de l’armée de l’air, et ayant voyagé depuis San Diego, elle portait un drapeau de Trump comme cape lorsqu’elle a été abattue.
Vêtu d’un costume sombre et d’une chemise blanche à boutons de manchette, avec un bracelet perlé au pignet droit, l’officier de police du Capitole lui a tiré dessus depuis le côté de la barricade où il avait été caché dans l’embrasure d’une porte. D’après ce que l’on peut voir et entendre dans la vidéo, il ne semble pas avoir donné l’ordre de s’arrêter ni avoir averti verbalement qu’il allait tirer.
« C’était une exécution », a déclaré Jack Feeley, un collègue vétéran de l’armée de l’air et ami de Babbitt, ajoutant que cela « me brise le cœur de savoir que des millions de personnes ont vu mon amie être exécutée en direct à la télévision ».
Un ancien aide à la sécurité nationale de la Maison Blanche et un fonctionnaire du Pentagone ont convenu que l’officier semblait « facile de la gâchette ». « C’était un assassinat. Je n’en ai jamais vu un exemple aussi clair de toutes ma carrière. J’ai vu des EJK (Exécution extrajudiciaire) plus propres que cela », a déclaré l’ancien fonctionnaire, faisant référence à un assassinat extrajudiciaire, ou à un assassinat commandité par l’État en dehors du système juridique formel d’un pays. « Il l’a fait [le coup de feu] par [censuré] ».
Mais les apparences sont trompeuses, a rétorqué l’avocat que l’officier du Capitole a engagé pour se défendre. Dans une interview accordée à la RCI, l’avocat de Washington Mark Schamel a déclaré que son client avait en fait averti Babbitt et d’autres émeutiers de se tenir à distance – et qu’il l’avait fait avec fermeté et de manière répétée.
« C’est une fausse histoire que de dire qu’il n’a pas donné d’ordres ou d’avertissements verbaux », a déclaré Schamel. Il criait : « Restez en arrière ! N’avancez pas ! N’entrez pas ici ! » Il a ajouté que les déclarations des témoins allaient dans son sens. Schamel a expliqué que les ordres du lieutenant n’ont pas été repris sur la vidéo parce qu’elle a été enregistrée de l’autre côté des portes où des dizaines d’émeutiers criaient et frappaient contre les portes et noyaient ses paroles. Et il a dit que son client ne pouvait pas être vu en train de crier les instructions parce que sa bouche était couverte par un masque qu’il portait dans le cadre des protections contre le COVID-19.
On ne sait pas si l’officier a effectivement averti les pillards qui ont franchi la barricade qu’il tirerait s’ils n’obéissaient pas à ses ordres. Cependant, son arme de service – un pistolet semi-automatique Glock de calibre 40 – était visiblement dégainée. Certains des émeutiers l’ont aperçue à travers les fenêtres du hall et ont crié : « Il y a une arme ! » suivi par « Il a une arme ! »
Schamel a déclaré que son client, qui a reçu sa formation principalement aux Federal Law Enforcement Training Centers (Centres de formation des forces de l’ordre fédérales) à Glynco, Géorgie, agissait pour se protéger et protéger les législateurs.
« Il agissait dans le cadre de sa formation », a-t-il déclaré. « La force létale est appropriée si la situation vous fait craindre, à vous ou à d’autres, des dommages corporels imminents. »
Schamel a ajouté : « Il devrait y avoir une vidéo de formation sur la façon dont il a géré cette situation. Ce qu’il a fait était d’un héroïsme incroyable ».
« Il a arrêté un massacre potentiel »
Il a souligné que l’officier était la dernière ligne de défense potentielle entre les émeutiers et des dizaines de membres du Congrès et du personnel, qui, selon lui, n’avaient pas encore été escortés hors de la salle du Parlement par la sécurité à ce moment-là. (La présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, et d’autres VIP avaient déjà été évacués).
Le Speaker’s lobby est un couloir qui passe derrière la chambre et qui mène à des sorties aux deux extrémités. Les portes où la foule s’était rassemblée, qui étaient gardées par le lieutenant, ont donc servi de point d’étranglement stratégique. Avant leur arrivée, l’officier avait empilé des tables, des chaises et d’autres meubles du couloir devant les portes pour créer une barricade.
« Il les a empêchés de passer par le couloir et d’entrer dans la chambre », a déclaré Schamel. « Il a empêché un massacre potentiel. »
Le représentant républicain de l’Oklahoma, Markwayne Mullin, qui a été témoin du chaos derrière la barricade, a déclaré que bien qu’il y aura des questions sur l’utilisation de la force mortelle par l’officier, il « n’avait pas le choix à ce moment-là. »
« Ils essayaient de passer par la porte d’entrée, qui était l’endroit de la Chambre où je me trouvais, et par l’arrière, ils essayaient de passer par le Speaker’s lobby, et c’est problématique quand vous essayez de défendre deux fronts », a déclaré Mullin sur l’émission « Good Morning America » d’ABC. « Quand ils ont brisé la vitre à l’arrière, le lieutenant qui était là – lui et moi avions déjà eu de multiples conversations avant cela – n’avait pas le choix à ce moment-là. La foule allait passer par la porte, il y avait beaucoup de membres et de personnel qui étaient en danger à ce moment-là. Et quand il a sorti son arme, c’est une décision très difficile à prendre pour quiconque et, une fois que vous sortez votre arme comme ça, vous devez vous défendre avec une force mortelle ».
Malheureusement, a dit Mullin, Babbitt a été la première à passer la porte et l’officier a dû prendre une « décision en une fraction de seconde ». Aussi tragique soit-elle, sa décision de tirer sur la première émeutière qui a franchi la barricade a permis d’empêcher le reste de la foule d’avancer. Aucun autre émeutier ne l’a suivie.
Certains critiques soutiennent que le lieutenant a paniqué et aurait dû attendre les renforts avant de tirer. Mais les personnes interrogées sur son compte ont dit qu’il pensait être seul et qu’il n’avait aucune chance d’être aidé. Il a maintenu qu’il ne savait pas que trois officiers en uniforme étaient postés de l’autre côté des portes, et qu’une équipe du SWAT équipée d’armes d’assaut et de matériel tactique était en train de se déplaçer pour les remplacer.
De plus, l’officier a dit qu’il avait entendu des rapports sur des coups de feu tirés dans le bâtiment plus tôt pendant le soulèvement, et qu’il craignait que les émeutiers de l’autre côté des portes aient des armes. Mais il s’est avéré que les rapports étaient erronés – le bruit de verre brisé avait été confondu avec des coups de feu. Aucun autre coup de feu n’a été tiré ce jour-là.
Il a également déclaré aux enquêteurs qu’il avait entendu des rapports selon lesquels des bombes artisanales avaient été découvertes ailleurs dans la région et qu’il craignait que les émeutiers ne transportent des explosifs. Babbitt portait un sac à dos, ce qui aurait aggravé ses craintes.
Le lieutenant a également déclaré qu’il croyait que sa propre vie était en danger. On ne sait pas très bien pourquoi il a décidé de tenir bon plutôt que de battre en retraite et de chercher des renforts. Des agents des services secrets bien armés montent la garde dans la salle de la Chambre.
En revanche, un autre officier de la police du Capitole, Eugene Goodman, a battu en retraite lorsqu’il a été confronté à une horde d’émeutiers dans une cage d’escalier, pour rejoindre d’autres officiers qui, ensemble, ont désamorcé la situation. Il a reçu la Médaille d’or du Congrès pour ses actions.
« Ashli n’était pas un voyou »
En examinant la fusillade, les enquêteurs cherchent à savoir si le lieutenant a fait un usage excessif de la force, et détermineront également s’il a délibérément violé les droits constitutionnels de Babbitt – deux éléments qui pourraient donner lieu à des poursuites pénales. M. Schamel a déclaré qu’il s’attendait à ce que l’enquête prouve que son client, qu’il a refusé d’identifier par son nom, était innocent de tout méfait. « Il sera innocenté à mille pour cent », a-t-il déclaré. « S’il n’est pas innocenté, nous n’avons plus un pays dans lequel nous voulons vivre. »
Donateur de Joe Biden, Schamel représente également Igor Danchenko, la « source primaire » du dossier Steele discrédité sur Trump. On ne sait pas encore si la famille de Babbitt a engagé une action civile contre la police, notamment un procès pour mort injustifiée. Schamel a déclaré que la famille ne l’a pas contacté directement ou par l’intermédiaire d’un avocat. Les tentatives pour joindre le mari d’Ashli Babbitt, Aaron, et d’autres membres de la famille ont échoué.
Cependant, dans une interview accordée à une chaîne de télévision de Boston, la cousine par alliance de Babbitt a déclaré qu’Ashli n’aurait pas dû perdre la vie.
« Ashli n’était pas un voyou. Elle n’était pas une émeutière. Ashli était une personne pacifique », a déclaré Justine Babbitt. « Elle a fait 14 ans dans l’armée. Elle n’était pas là pour détruire le bâtiment du Capitole. Elle était là pour être entendue et faire partie d’un mouvement. Ashli était une patriote acharnée. Pas une démocrate, pas une républicaine. Elle était pour le peuple. Ashli portait la Constitution et la Déclaration des droits dans son portefeuille. »
Justine Babbitt a ajouté qu’elle attendait d’en savoir plus sur la fusillade et les raisons pour lesquelles elle s’est produite. « Je ne sais pas qui est responsable de la mort d’Ashli », a-t-elle déclaré. « Je ne sais pas comment cela s’est passé. Je ne sais pas comment ce flic a réagi. Je ne sais pas. Et ce n’est pas juste de ma part de spéculer. »
Dans une autre interview, le mari d’Ashli Babbitt a tenu à dire qu’elle n’était pas armée. « Elle n’avait pas d’arme sur elle. Je ne sais pas pourquoi elle a dû mourir dans la Maison du peuple », a-t-il déclaré à une chaîne de télévision de San Diego. « Elle exprimait son opinion et a été tuée pour cela. »
Le manque de transparence dans cette affaire a alimenté les spéculations sur Internet concernant son tireur, ce qui a conduit à un cas d’erreur d’identité. Certains sites web conservateurs ont faussement identifié David Bailey, l’officier de police noir du Capitole qui, en 2017, a héroïquement tiré sur un supporter de Bernie Sanders et l’a tué après qu’il ait tiré sur le député Steve Scalise et d’autres républicains qui s’entraînaient sur un terrain de baseball du Congrès.
En comparant les séquences vidéo et les photographies, les sites web notent que Bailey porte un bracelet perlé au poignet droit comme l’officier qui est vu en train de tirer sur Babbitt. Mais de nombreuses autorités interrogées par le RCI affirment que l’agent Bailey, qui est actuellement toujours affecté au détachement de protection de Scalise, n’a pas tiré sur Babbitt et ne fait l’objet d’aucune enquête. Ils disent que l’agent Bailey, 35 ans, qui a reçu la Médaille de la Valeur du Président Trump, n’a pas été suspendu et conserve le titre d' »agent spécial ».